En quelque saison qu'on visite le Laos, on ne peut manquer d'assister à un " Boun ", fête religieuse ou profane, réunion entre amis ou cérémonie fastueuse. Le " Boun ", c'est l'image fuyante de la chance... le rêve éternel de bonheur.
Il est peu d'hôtes du Laos, quelque novices qu'ils soient dans la connaissance de ce pays, qui ne sachent ou ne croient savoir le sens du mot " Boun ". Autour des premières pagodes qu'ils rencontrent, ils voient des guirlandes pendantes, de la verdure qui se fane, le squelette de quelque baraque foraine, et on leur dit: " il y a eu un boun ". Peu de soirs passeront avant qu'on ne les invite à se joindre à l'une de ces festivités familières, mi-religieuses, mi-profanes: "Voulez-vous venir au boun?" L'étranger en conclura que le boun rappelle à sa façon une fête votive ou patronale.
Mais un peu d'expérience lui apprendra que le mot boun couvre une signification plus large. Au cours du " baci " (cérémonie qui marque les principaux événements de la vie lao) organisé pour fêter l'arrivée du voyageur - ou de quelque autre baci familial auquel on le conviera - les souhaits de bonheur, de santé, de force reviendront sous les formes les plus poétiques, mais ils seront résumés le plus simplement du monde par la phousao (Jeune fille lao) qui nouera un fil de coton au poignet de l'invité: " Puissiez-vous avoir beaucoup de boun ".
Le boun n'est donc pas seulement le cadre privilégié de la joie populaire; il est cette joie elle-même qui arrache l'homme aux ennuis quotidiens, qui lui ouvre (ne fût-ce que pour quelques heures et dans l'illusion de la fête ou du banquet) la perspective d'une chance nouvelle. C'est la bonne chance que l'on souhaite à quiconque franchit une étape, aborde un tournant de la vie; et quelle est l'heure qui n'est pas un tournant du destin 2 On peut essayer de forcer la chance; il est des actes porte bonheur. C'est ce que vous dira le bonze quand vous lui ferez des offrandes: " Vous acquerrez beaucoup de boun "(beaucoup de mérites). Voici les principales fêtes qui se déroulent au Laos au cours de l'année:
Le baci est une cérémonie par laquelle le bon peuple lao, au milieu des sourires et des fleurs, manifeste sa joie de vivre et la générosité de son coeur. Il est organisé à toute époque de l'année. Par cette cérémonie, on formule les veux de toutes sortes à l'enfant qui vient de naître, à la femme qui relève de couches, au malade qui vient de guérir, à l'homme qui va entreprendre un long voyage ou qui rentre dans son foyer. Il y a des baci de nouvel an et de mariage, des baci offerts aux hauts personnages de passage, aux amis qu'on retrouve ou aux fonctionnaires qui viennent d'obtenir une distinction honorifique: souhaits de bienvenue ou de bon voyage, de bonheur et de prospérité.
Baci est un terme pompeux. Communément, il est appelé Soukhouane qui signifie appel et réception de l'âme; celle-ci est vagabonde et ne demande qu'à quitter le corps... Il faut, le plus souvent possible, la maintenir et la rappeler à la maison car elle peut, dans ses pérégrinations, s'attarder en de mauvais lieux ou se laisser entraîner par de mauvais compagnons.
Le phakhouan, placé au milieu de I assistance, est un plateau contenant le repas de l'âme. Il est surmonté de coupes et de vases en argent sur lesquels sont piqués des cornets de feuilles de bananiers remplis de fleurs. Il contient en outre de l'alcool, des oeufs, du poulet, du riz, des gâteaux, des cierges, des baguettes d'encens, des fils de coton, etc. Lorsque les cierges sont allumés, l'officiant s'adresse aux divinités tutélaires, les invitant à assister au repas et à présider la cérémonie.
La tradition admet que les trente-deux parties de notre corps possèdent chacune un "khouan", une âme. L'officiant appelle les khouan: l'âme noyée dans les rivières ou dans les brouillards, l'âme tombée dans un trou ou égarée dans les forêts, sur les montagnes, dans les mares avec les rainettes et les grenouilles...
Quand les khouan sont rentrés, il faut les retenir. Pour cela, on les attache avec les liens de coton que l'on noue aux poignets de la personne dont les âmes ont réintégré le corps. Ces fils porte-bonheur doivent être gardés le plus longtemps possible. D'aucuns prétendent qu'il faut les garder jusqu'à ce qu'ils tombent d'eux-mêmes.
Les fêtes du Nouvel An, plus connues sous le nom de "fêtes du cinquième mois", sont l'occasion de multiples réjouissances qui se déroulent dans le courant du mois d'avril.
L'année du Cheval, à laquelle a succédé l'année de la Chèvre, s'est terminée le vendredi, cinquième jour de la lune croissante du cinquième mois E.B. 2509 (14 avril 1967). C'est le jour du " Sangkhan pay " (départ du génie de l'année). Le lendemain c'est le " Mu Nao ", jour intercalaire où tout travail est interdit. L'année nouvelle a donc commencé le dimanche 16 avril, correspondant au septième jour de la lune croissante du cinquième mois. Ce jour est le " Sangkhan Khun "(retour du génie).
Il y a lieu de remarquer l'heureuse coïncidence de la date ainsi obtenue avec le renouveau de la nature: les arbres et les fleurs renaissent et la terre exsangue, assoupie par les mois de chaleur et de sécheresse, s'éveille et reverdit sous les premières ondées.
C'est dans une allégresse générale que les fêtes rituelles sont célébrées dans tous les villages du Laos. Le dernier jour de l'année, chaque maison lao est nettoyée, mise en ordre avec soin, afin d'en éloigner les malheurs et les mauvais génies.
Au jour de l'An, toute la population se porte vers les pagodes pour arroser d'eau lustrale les effigies du Bouddha. Devant elles, hommes et femmes s'inclinent et prient pour que l'année nouvelle leur soit favorable et leur apporte santé, richesse et bonheur.
Les visites familiales et amicales se font dans la journée et donnent lieu, chez les hautes personnalités, à cette cérémonie que nous appelons " Baci " et qui n'est pratiquée par aucun autre pays du monde. Les jours suivants sont consacrés à des réjouissances diverses: dans les rues, "phoubao" et "phousao" (jeunes gens et jeunes filles) s'arrosent copieusement sous le louable prétexte de se purifier; c'est pourquoi, sans doute, la couleur de l'eau leur importe si peu !
Pour clôturer ces fêtes, des petits "That" (monticules de sable) sont élevés dans les pagodes et sur les bancs du Mékong; ils sont surmontés de banderoles de papier sur lesquelles sont dessinés les animaux du Zodiaque et, en les édifiant, chacun demande au ciel la grâce de vivre longtemps de belles journées fécondes en joies et en richesses aussi nombreuses que les grains de sable qui les composent.
C'est à Luang Phrabang que les fêtes du cinquième mois revêtent indiscutablement le plus d'éclat. Elles se déroulent pendant des semaines et, en dehors des cérémonies dont il vient d'être fait mention, elles sont marquées par de multiples manifestations. La reine offre, au palais royal, un repas et des offrandes aux bonzes. La gaîté et la bonne humeur se manifestent dans tout le Laos pendant ces fêtes où les aspirations sacrées s'étendent joyeusement à tous. Si le Nouvel An garde, chez nous, un caractère profondément religieux, il ne s'en déroule pas moins dans une atmosphère de joie et de fraternité. Le peuple lao tient, en effet, tout particulièrement en cette occasion, à ce que chacun, sans distinction de race ou d'origine, participe à ses réjouissances. Malheur à ceux qui, ignorant ses coutumes s'irritent de la douche qui leur est aimablement infligée !... Leur mauvaise humeur les désignera pour de nouvelles aspersions.
D'après Henri Deydier (Introduction à la Connaissance du Laos), en voici l'origine: " Prés de Vaîsali, dans le bourg de Bélouva, une grave maladie frappa le Bouddha, il était près de la mort. Il songea alors à ses disciples: "Il ne convient pas que j'entre dans le Nirvâna sans avoir conversé avec ceux qui prenaient souci de moi, sans avoir parlé à la Communauté des disciples". Après leur avoir parlé, il eut la visite de Mâra, le démon bouddhique, et il lui dit: "Ne t'inquiète pas, ô Malin, dans peu de temps ce sera le Nirvâna".
C'est en souvenir de cette réunion des disciples que les Lao célèbrent la fête du Mâkha Bouça. Elle s'est confondue cette année avec le Boun Phra Vét, qui a été organisé à Vientiane, du 18 au 26 février 1967, par Leurs Majestés le roi et la reine du Laos.
Dès le matin de joyeux cortège de "phoubao" masqués, méconnaissables sous leurs déguisements, se répandent par la ville, promenant triomphalement des marionnettes burlesques (aujourd'hui interdites) et des pantins articulés en postures suggestives. Chaque maison est envahie par une mascarade hurlante que le propriétaire se met en devoir de désaltérer abondamment. Et la bouteille d'alcool circule de bouche en bouche, sous les quolibets obscènes ou railleurs de la foule, maintenue en haleine par les mimiques délirantes de danseurs grotesques au son des gongs et des tambours sourdement répété.
Vient enfin le moment de lancer les fusées. Tous les cortèges convergent vers le Mékong au bord duquel se dresse un chevalet de bambous: l'allégresse atteint son comble. Sous l'oeil expérimenté des bonzes, artificiers en l'occurrence, les jeunes gens déchaînés s'affairent autour des fusées qui s'élèvent dans un nuage de poudre, déchaînant les lazzi enthousiastes de la foule. Parfois la fusée, trop humide, se refuse à partir, au grand désespoir de son propriétaire, accablé de sarcasmes par ses concurrents. La nuit vient enfin, mais sans interrompre les réjouissances qui ne cesseront qu'au petit jour.
Les deux premiers jours du carême, les bonzes et bonzillons se confessent à leurs supérieurs hiérarchiques. Pendant toute sa durée, les bonzes observent strictement les règles prescrites par la religion; il leur est interdit notamment de passer la nuit hors de leur pagode.
A la pleine lune du onzième mois, les Lao procèdent à une cérémonie, le " Boun Ok Phansa " (fête de la fin du carême) ou " Boun pavârana " (" Phansa " dérivé du même mot pâli qui signifie pluie). Cest donc une fête qui est célébrée à la fin de la saison des pluies. "Pavârana" est un mot pâli qui signifie " consentir à l'avertissement ". Pendant le temps d'abstinence, d'une durée de trois mois, les bonzes qui ont passé leur temps ensemble dans une même pagode ont pu commettre, volontairement ou involontairement, quelques fêtes vis-à-vis de leurs camarades. Ils ont pu les blesser soit en paroles, soit par leurs actes, soit par malentendu. Le jour de la fin du carême, avant de se séparer, ils organisent une assemblée au cours de laquelle ils récitent la formule du | a pavârana " selon laquelle chacun d'eux demande aux autres ce qu'il a fait de répréhensible pendant les trois mois passés ensembles et les prie de lui par pardonner ses fautes. La réconciliation ainsi faite, ils se séparent pour rentrer chacun dans sa pagode.
A l'occasion de la fête de fin du ca rême, les fidèles offrent entre autres choses, des vêtements aux bonzes pour que ces derniers puissent se changer. A cela s'ajoutent l'illumination des pagodes et des maisons, des processions, le lancement sur le fleuve de radeaux illuminés, les courses de pirogues. Ces réjouissances portent également le nom de " fête des eaux )). Elles sont organisées en l'honneur des naga et des génies tutélaires pour qu'ils accordent aux habitants santé, bonheur et prospérité. Cette illumination constitue un sacrifice en souvenir de la mère des cinq Bouddhas à l'époque où celle-ci s'incarnait en corbeau blanc. L'anecdote suivante en révèle l'origine:
Un corbeau femelle pondit cinq oeufs dans un nid qu'il avait construit sur un arbre au bord d'un fleuve. Un jour, le nid tomba dans l'eau par suite d'un coup de vent et fut entraîné par le courant. Il échoua sur un banc de sable. Une poule, une Nagi, une tortue, une vache et un serpent femelle prirent chacun un oeuf pour le couver. Il en sortit cinq garçons. Devenus grands et connaissant leur origine, ils en furent honteux et se firent anachorètes, vivant séparés les uns des autres. Il arriva un jour où, allant à la recherche des fruits dans la forêt, ils se rencontrèrent. Ils se révélèrent alors leur origine et c est ainsi qu'ils surent qu'ils étaient nés de la même mère: le corbeau blanc. Ils souhaitèrent voir celle qui leur avait donné le jour. La mère corbeau devenue " phrom )), ayant pressenti le voeu de ses enfants, descendit du ciel et se présenta à eux sous sa forme première. Elle leur recommanda, pour témoigner leur reconnaissance envers elle, de lui faire chaque année un sacrifice, à la pleine lune du onzième mois et d'allumer pendant la nuit des " pathip " lampions composés de godets remplis de graisse où sont trempées des mèches en forme de pattes de corbeau.
La tradition veut que les maisons des particuliers soient à l'occasion de la fête de la fin du carême bouddhique illuminées avec des " pathip )); mais néanmoins, on utilise de nos jours des cierges, des bougies, des lampes à pétrole, des lanternes et même des ampoules électriques.
A Vientiane, elles sont précédées par celle de Vat si Muong où l'on assiste au déroulement traditionnel de la procession de nuit autour de la pagode, et par la cérémonie de prestation du Serment à Vat Ong Tû.
La cérémonie du Serment. - Parmi les choses de ce monde, les éléments éternels sont l'eau et la terre. Les bouddhistes, après avoir célébré une fête, procèdent au " yâtnam ", cérémonie qui consiste à verser de l'eau, goutte à goutte, sur la terre. L'eau et la terre sont témoins de la bonne action des pratiquants, à qui elles accordent longue vie. Cette croyance encourage les gens à faire le bien et à éviter le mal, car ceux qui font le bien ou le mal subiront les conséquences heureuses ou fâcheuses de leurs actes.
Celui qui prête serment invoque les puissances de la terre et du ciel et les prend à témoin de son action; puis il déclare être de bonne foi et boit l'eau du serment. S'il s'agit d'un homme moralement parjure, cette eau le rendra misérable et il mourra de mort accidentelle (choléra, chute, noyé, foudroyé, mordu par un serpent, tué par les armes ou par les animaux féroces).
Les anciens rois ayant constaté que certains de leurs sujets n'étaient pas d'un loyalisme absolu, leur faisaient prêter serment de fidélité. De là est née la cérémonie de la prestation du serment qui était célébrée deux fois par an: le petit serment, qui avait lieu au cinquième mois (avril), à l'occasion du Nouvel An, a été supprimé au début de l'année 1949, car il faisait double emploi avec le grand serment. Ce dernier, célébré le quatorzième jour de la lune croissante du douzième mois, est appelé Grand Serment en raison de son importance. Des délégations venant de tous les Muongs et des chefs-lieux de province y assistent.
A Vientiane, la cérémonie du Serment qui se déroulait à la pagode de Sisaket a lieu depuis novembre 1949 à Vat Ong Tû, en présence de Sa Majesté le roi. Cette solennité a toujours lieu dans la matinée. Mandarins, fonctionnaires, Tassèngs et Naibans, en sempôt et veston blancs, se réunissent au bureau du Muong et se rendent en cortège à Vat Ong Tû. Ils jurent fidélité et loyauté au roi et à la Constitution lao. En présence de neuf bonzes, un Maha ou un fonctionnaire lit la formule du serment qui débute par une longue invocation invitant le Bouddha, les génies du ciel, de la terre et des eaux à assister à la cérémonie.
La musique se fait entendre. Deux hallebardiers en costume trempent avec des gestes symboliques le bout d'une lance, d'un sabre et d'un fusil dans l'eau du serment contenue dans de grands récipients. La musique cesse et les bonzes récitent une prière, prenant les génies du ciel, de la terre et des eaux à témoin du serment qui vient d'être prêté. On distribue ensuite l'eau du serment dans de petits verres et tous les fonctionnaires lao la boivent ensemble. La cérémonie terminée, le cortège se reforme pour le retour jusqu'au bureau du Muong, où la foule se disperse.
Le gouvernement décida de simplifier s cérémonie. C'est ainsi que pour celle qui eut lieu en 1955, les hallebardiers trempant les armes dans l'eau du serment n'avaient pas été prévus et que la distribution de cette eau fut volontairement omise.
Les fêtes du That Luang- Le That Luang (grand mausolée) situé à trois kilomètres à l'est de Vientiane, a été édifié, en 1566, par le roi Setthathirat. Il aurait été bâti sur une petite tour construite au XIIIe siècle, qui renfermait, affirme la tradition, un cheveu du Bouddha et des trésors fabuleux. C'est dans la cour du That que le marchand hollandais Van Wuysthoff, ambassadeur du gouvernement général des Indes néerlandaises, fut reçu en audience, le 16 novembre 1641, par le roi Souligna Vongsa, entouré de sa cour.
Les fêtes sont célébrées chaque année à la pleine lune du douzième mois. Le roi du Laos accepte habituellement d'honorer de sa présence les principales manifestations .
La veille de la pleine lune, dans l'après midi, le souverain se rend au That Luang en cortège, dont font partie les présidents des deux assemblées et les membres du gouvernement royal. La coutume veut que le roi y reste deux jours et y fasse chaque matin ses dévotions. Le cortège des bonzes et des fonctionnaires s'y rend également, suivi par une foule nombreuse. Le soir, les officiels inaugurent la foire-exposition, installée auprès du That, où toutes les provinces du Laos ont un stand dans lequel sont exposées leurs productions particulières. Les services de la capitale y prennent une part de plus en plus importante et remarquée.
Le lendemain, la fête bat son plein: le matin, sur l'esplanade attenant au That, se déroule une prise d'armes suivie d'un défilé des troupes et d'une remise de décorations. L'après-midi, on assiste au " Ti Khi " (match de polo), aux courses de chevaux et à des jeux populaires. Dès que le soleil disparaît à l'horizon, les illuminations et les fêtes de nuit commencent: procession de pagodons de cire, fusées, feux d'artifice, théâtre, boxe, cinéma en plein air, cours d'amour.
Le seizième jour de la lune croissante du douzième mois, dans la matinée, c'est le retour du cortège royal suivi de celui des fonctionnaires.
La fête qui se déroule le soir à Vat Ong Tû et à Vat Inpéng, où ont lieu les processions de pagodons de cire, clôture les cérémonies commémoratives du grand mausolée.
Lorsqu'un malade est sur le point de mourir, les membres de la famille viennent avec des fleurs lui demander pardon de ce qu'ils ont fait de répréhensible à son égard. Ce pardon donne santé et longue vie aux membres de la famille, et le mourant peut trépasser en poux, conservant dans son coeur l'espoir de renaître dans une famille heureuse.
Pendant son agonie, le mourant se tourmente et une personne de son entourage doit préparer son esprit. Elle lui recommande de penser aux bienfaits qu'il a reçus sur cette terre et à ceux qu'il recevra dans l'autre monde, et de répéter, jusqu'à extinction respiratoire, la formule: " phoutthô, thammô, sangkhô ", qui évoque la bonté et la pureté originelles. Le mourant qui maintient son esprit sain et pur renaîtra heureux. Au contraire, celui dont l'esprit est malsain et impur renaîtra malheureux.
D'après la religion bouddhique, il est recommandé d'inviter les bonzes à venir prier aussitôt qu'on s'aperçoit que le malade va expirer; car, en voyant les bonzes et en entendant leurs prières, il s'en réjouit et n'a point à se troubler devant la mort. Cependant, la plupart des moribonds considèrent cette visite comme une chose funeste. Aussi, la prière a-t-elle lieu habituellement lorsque le malade a rendu le dernier soupir; elle se fera deux fois par jour, tant que le cercueil demeurera à la maison.
On procède au bain mortuaire avec de l'eau tiède, puis avec de l'eau fraîche; le froid doit être en contact avec la chaleur. C'est, en effet, une des lois de la nature que l'existence simultanée des contraires: le froid et la chaleur, le bonheur et le malheur, le meilleur et le pire, la naissance et la mort, etc.
Après le bain, on parfume le corps avec du jus de curcuma ou d'autres liquides odoriférants. Une ancienne coutume exigeait qu'après l'onction du curcuma on prît les empreintes du pied et de la main, soit avec de l'étoffe blanche, soit avec du papier blanc. Mais cela se faisait seulement pour un chef de famille (père ou mère), un bienfaiteur ou un protecteur. Les héritiers, détenteurs de ces empreintes, les conservaient comme souvenir.
La toilette funèbre terminée, on revêt le cadavre de deux habits. Le premier vêtement se met à l'envers. S'il s'agit d'un veston ou d'un pantalon, on le retourne; si c'est un sampôt, le noeud de la ceinture doit être derrière et la pointe devant. Le deuxième vêtement se met, lui, comme à l'ordinaire: il est choisi parmi les costumes préférés du défunt de son vivant. L'habit à l'envers est celui de la mort. Cette dualité symbolise la succession infinie de la naissance et de la mort. Puis on peigne le mort en se servant d'un peigne cassé ou partiellement édenté. Pour cela, on brise tout exprès un peigne neuf. Après usage, les vivants ne pourront point s'en servir sans péril.
Il faut empêcher le mort de revenir parmi les vivants et, pour cela, l'attacher. On se sert d'un gros fil de coton blanc. Le même lien sert à entourer le cou à lier les deux mains et les pieds. Ne devant pas être coupé, ce lien forme un noeud à chacun des endroits attachés. Les trois noeuds symbolisent l'éternité.
Le corps, enveloppé d'un linceul, est allongé parallèlement à la grande dimension de la maison, à l'inverse des vivants qui couchent toujours dans le sens de la largeur pour se prémunir contre des surprises funestes durant leur sommeil.
Pourquoi introduit-on de l'argent ou de l'or dans la bouche du mort? C'est pour lui donner un viatique pour vivre chez les " Phi " (revenants), car ceux qui croient à l'existence des " Phi " pensent que le défunt renaîtra dans le monde des esprits. Il est vrai que, selon la religion bouddhique, cette coutume a un sens: le défunt, si riche qu'il ait été de son vivant, ne peut rien emporter de ses biens. Il ne peut même pas avaler ce qu'on lui met dans la bouche. Seuls ses mérites ou ses péchés peuvent le suivre.
Seront mis en bière ceux qui sont morts de maladie ordinaire ou de vieillesse. Le cercueil est refusé à la femme morte en couches, à ceux ou à celles qui meurent d'une maladie contagieuse, tel le choléra, ou d'un accident, d'un assassinat. Ils n'ont pas droit non plus à la prière des bonzes. Il semble cependant qu'une évolution se dessine dans un sens plus charitable à l'égard du défunt, sans toutefois contredire le dogme.
On doit veiller jour et nuit. Les veilleurs causent, jouent, se livrent à quelques divertissements. Durant le séjour du mort à la maison, et même plus tard, se déroulent des fêtes, plus ou moins importantes selon la situation de la famille, au cours desquelles la famille fait des offrandes, donne des repas aux bonzes et à tous ceux qui viennent lui prêter leur concours.
Les bonzes sont invités aux obsèques, parce qu'ils sont nos précepteurs, nos guides. Ils nous mettent sur le bon chemin comme ils nous conduisent vers la pagode pour y entendre le sermon. Ils nous exhortent à observer les règles bouddhiques et à pratiquer la charité pour qu'après la mort nous puissions monter au paradis. Il est recommandé à un ou plusieurs des fils ou petits-fils du défunt de se faire bonze pour le conduire au cimetière; ils rendent ainsi correctement les derniers devoirs à leur bienfaiteur. Cinq bonzes suffisent pour conduire les funérailles.
Le jour venu, les proches parents du défunt doivent se vêtir de blanc, symbole de pureté et signe de deuil. Les parents éloignés, les amis et connaissances n'y sont pas contraints. Ils suivent le cortège derrière les proches parents. Dès que le cortège funèbre parvient au cimetière, on dépose le cercueil dans un endroit convenable. Les bonzes récitent des prières tant pour le mort que pour l'assistance: " Le corps que l'âme a quitté n'est rien. Bientôt, il sera chose inutile sur la terre, comme le tronc de l'arbre mort. La vie est une chose éphémère. Naissance et mort se succèdent suivant un rythme naturel. Après être né, il faut disparaître. Le bonheur est dans le néant de cette disparition. Tous les animaux meurent, sont morts ou devront mourir. Nous aussi, nous mourrons: la mort est certaine... "
Ce n'est ni par les plaintes ni par les pleurs que la famille espère obtenir le bonheur futur du défunt; c'est par la pratique de la charité, l'observance des commandements bouddhiques, l'audition des sermons, la méditation pieuse.
Après les prières d'usage et les offrandes aux bonzes, le cercueil est, suivant les cas, mis dans une fosse ou transporté sur un bûcher crématoire. Mais avant cette opération, on a eu soin de faire faire au cercueil trois tours autour de la fosse ou du bûcher. Puis avec le fléau servant à transporter le cercueil, ou avec le coin du cercueil près duquel se trouve la tête du mort, on frappe trois fois sur un des pieux de la fosse ou sur le bûcher. Cette coutume a pour but de prévenir le défunt et les vivants que la naissance et la mort se succèdent indéfiniment dans les trois mondes des "phrom"; ou encore que chaque homme, durant sa vie, assiste à trois cortèges: celui qui l'accompagne à la pagode pour se faire bonze; celui qui l'accompagne chez la mariée; celui qui le conduit à sa dernière demeure. Avant la crémation, on ouvre le cercueil, puis on lave la figure du mort avec de l'eau de coco et du parfum. L'eau de coco est le symbole de la pureté. Pour mettre le feu au bûcher, les assistants, munis chacun d'un cierge, d'une torche résineuse ou d'une baguette de santal qu'ils allument à un feu préparé à l'avance, se rendent au bûcher en file indienne, suivant un ordre de préséance bien établi, et jettent le brandon dans le four en murmurant à l'adresse du mort: " Puissiez-vous renaître dans la béatitude ! " Pour l'allumer, il est interdit de prêter sa flamme ou de se servir de celle d'un voisin.
Pendant ce temps, la famille fait des offrandes, dites " van kalaphuk " et (l vanha-kèo )), qui consistent en poignées de citrons ou de bouts de branches de bananier dans lesquels a été introduit une pièce de monnaie, ou des pièces de monnaie mélangées à du riz grillé appelé khao-tok-tèk, que l'on lance à la foule.
Mais on pense à ceux qui restent. La maison mortuaire a été entourée d'un long fil de coton appelé faï-moungkhon, afin qu'on puisse en chasser la tristesse, les maladies, le malheur, les phi, etc. La cérémonie terminée, on enlève le fil de coton. Le lendemain on recueille les os du défunt. La famille fait des préparatifs spéciaux, elle invite les bonzes à y assister, rassemble les offrandes, apporte les outils nécessaires, fait porter des seaux d'eau pour éteindre la braise et laver les os.
Avant de toucher aux cendres, on doit voir si elles laissent des empreintes animales ou humaines. Le défunt renaîtra sous la forme d'un homme, d'un oiseau d'un poulet, d'un boeuf, d'un buffle suivant que l'empreinte laissée sur les cendres est celle d'un homme ou d'un animal. Ce dernier cas se présente, il est vrai, rarement.
On recueille les os dans un morceau de bananier évidé, à l'aide de pinces en boit. Les ossements sont ensuite mis dans une urne posée soit au milieu du four crématoire, soit en dehors. Puis on élève dans ce four une statue faite de cendre: mouillée et représentant vaguement un être humain. Avec un fil de coton, on entoure l'urne et les offrandes; puis on invite les bonzes à faire la prière qui clôt la cérémonie.
L'urne contenant les ossements du | défunt sera confiée par la famille à une pagode, ou enterrée dans un emplacement choisi sur lequel sera élevé un tombeau ou un stupa.
La maison mortuaire est appelée " hueun di " (maison heureuse). Là, on travaille, on cause, on chante, on boit, on danse et on joue. On y entend le bruit des orchestres et les cris de joie. De tels e spectacles ont quelque chose de déconcertant aux yeux des étrangers. Il ne faut pas, cependant, attribuer à ces gestes une marque d'irrévérence à l'égard du mort. La famille du défunt, malgré son ] air souriant, souffre profondément. Elle 1 s'abstient de se répandre en pleurs et, en lamentations publiques, car elle sait la dignité d'une douleur discrète et noble.
Pour lire ce texte en lao il faut télécharger la
police laolight à LaoGate (Canada)
Iuf !@
7v' !$ le]a[7qomqj;wx